Le réchauffement climatique : nié par certains et utilisé par d’autres… Devons-nous réellement acheter de nouveaux appareils plus écologiques ? Il est difficile de peser le pour et le contre entre son ancien lave-vaisselle consommant énormément et l’achat d’un nouveau équipement tellement plus efficient. Nous oublions cependant une énergie nécessaire dont on entend que très peu. L’énergie que nous avons besoin pour créer, entretenir et traiter à leur fin de vie tous les objets dont nous nous servons. L’énergie grise, un gouffre, un mystère…
En renouvelant tout nos objets, notre électroménager, nos voitures agissons-nous vraiment dans le but de réduire notre consommation et notre empreinte écologique ? Ou sommes-nous que de simples pions d’un système économique qui a trouvé un nouveau moyen de nous faire consommer ?
D’où vient la pollution ?
Lucien Willemin, financier, entrepreneur dans le domaine immobilier puis militant écologiste a tenu une conférence TedX à propos des énergies grises (possible de retrouver la vidéo sur youtube). Il commence sa présentation en catégorisant 3 vecteurs principaux de pollution :
1. L’énergie consommée :
Il s’agit de l’énergie consommée tous les jours pour nous déplacer, nous chauffer, cuisiner, nous éclairer… bref, tout ce dont on utilise.
2. L’énergie grise :
Tout objet a besoin d’énergie pour être créé. Plus l’objet est complexe et plus il est regorgé d’énergie grise. Une voiture par exemple contient plus de 200’000 pièces. En y réfléchissant d’un peu plus près, on comprend que notre voiture a déjà parcouru des milliers de kilomètres avant même qu’on affiche le premier kilomètre sur le compteur.
3. La pollution chimique.
La plupart des objets ont besoin de procédés chimiques pour être confectionnés. On en a besoin pour extraire les matières premières mais également pour les transformer. Ces pollutions se retrouvent forcément à la fin, dans les eaux, les sols ou l’air. Plus l’objet est complexe, plus le procédé chimique l’est également. La grande majorité de la pollution chimique vient des industries pour satisfaire la consommation humaine.
L’énergie grise est malheureusement un concept dont on parle trop peu. Il est presque totalement absent des discours politiques. La majeure partie de cette énergie est produite grâce aux énergies fossiles et est donc une des causes principales du réchauffement climatique. Selon le rapport du GIEC de 2014, l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre est attribuée à 30% aux industries (page 46 du rapport GIEC voir fin d’article). Voilà où se cache l’énergie grise nécessaire à tous nos biens matériels.
L’énergie grise, définition, explications
L’énergie grise peut être expliquée comme la quantité d’énergie nécessaire au cycle de vie complet d’un objet. L’énergie grise est présente à 3 étapes du cycle de vie d’un produit : à sa création, pour sa maintenance et à sa fin de vie. Elle est de ce fait, présente dans beaucoup de procédés différents. Voici les principaux composants de l’énergie grise. Chacun d’entre eux sera détaillé par la suite.
Composants de l’énergie grise :
- Extraction des matières premières
- Transport des matériaux de production
- Transformation de la matière première, création des pièces
- Transport de pièces
- Assemblage, création de l’objet
- Vente, installation
- Maintenance
- Démolition ou recyclage
Extraction des matières premières
Tous nos objets, qu’ils soient basiques ou complexes, ont besoin de ressources pour être confectionnés. C’est bien entendu enfouis sous nos pieds que se trouvent ces minéraux. L’humain a appris à dompter la solidité de la roche afin d’en extraire les composants dont il a besoin : matériaux précieux, gaz, pétrole etc. L’Homme a imaginé et créé des engins gigantesques qui lui permettent de perforer les sols sur plusieurs kilomètres de diamètre et de profondeur. L’extraction de ces matières est bien évidemment une énorme pression sur l’environnement.
Pour accéder aux matières premières, il faut commencer par détruire toutes vies et toutes végétations du terrain prometteur ce qui, en plus d’être un problème pour l’écosystème, demande l’utilisation de machines elles-mêmes remplies d’énergie grise. Puis, il faut commencer à forer. Les machines utilisées pour atteindre ces matières premières sont tout simplement dignes de film de science-fiction. Certaines d’entre elles mesurent plus de 100 mètres de haut. Ces machines ont bien évidemment dû demander de l’énergie pour être conçues. Elles sont de ce fait, elles-mêmes bourrées d’énergie grise.
Imaginez l’énergie qu’il a fallu pour produire des scies circulaires de plus de 20m de diamètre, et imaginez combien d’énergie est nécessaire à mettre une telle machine en mouvement tout en sciant la roche… c’est colossal !
Cela me fait penser à un film de science-fiction avec des créatures grandes et toutes bleues… pas vous ?
Transport des matériaux de production, transport des pièces, transport de l’objet
Une fois les matériaux extraits, les pièces créées ou l’objet fini, il faut bien entendu les acheminer aux usines de transformation, d’assemblage ou bien au lieu de dépôt ou de vente. Certains matériaux et certaines pièces doivent faire des migrations de plusieurs milliers de kilomètres et même, bien souvent, changer de continent. Pour le transport, plusieurs moyens sont utilisés. De la voiture à l’avion en passant par le bateau et le train, tous les moyens sont bons pour livrer des marchandises. Le pétrole est donc utilisé conséquemment pour le transport. Logiquement, il faudrait également ajouter au pétrole, l’énergie grise utilisée pour créer ces mêmes moyens de transport.
Transformation de la matière première, création des pièces ; assemblage, création de l’objet
Tous nos objets industriels passent par une transformation. Plus l’objet est complexe et plus il a besoin d’un nombre de pièces et de matériaux différents. Ces pièces seront donc transformées dans plusieurs usines, raffineries ou autres dans différents pays également. Il y a donc un grand besoin en énergie pour fabriquer chaque pièce et comme pour les transports, l’énergie grise nécessaire à la création des machines de fabrication fait également partie de l’énergie grise de l’objet. Mais qu’en est-il de l’énergie nécessaire à la main d’œuvre ? Les employés ont bien besoin d’énergie pour produire. Ils ont besoin de moyens de transport pour atteindre le lieu de travail. Est-ce que cette énergie devrait être inclue dans le concept d’énergie grise ?
Vente, installation
Une fois le produit fini, son énergie grise continue d’augmenter. En effet, toutes marchandises ont besoin d’entrepôts, de marketing, de force de vente afin de parvenir au client final. Tous ces procédés ont également de grands besoins énergétiques. Prenons l’exemple d’un produit acheté dans un centre commercial. L’électricité du magasin, la climatisation, la construction du bâtiment… Toute cette énergie est utilisée pour que nous puissions acheter ces articles. Une part fait donc également partie de l’énergie grise. Les installations d’objets plus complexes comme une machine à laver ou d’une nouvelle cuisinière demandent également de l’énergie comprise dans l’énergie grise.
Maintenance
Le long de leur cycle de vie, les objets ont pour la plupart besoin de maintenance. Un bâtiment a besoin d’être rénové et optimisé. Une voiture a besoin de services et de changement de pièces qui ont également dû être créées. L’énergie nécessaire à la maintenance varie énormément selon le produit. Pour beaucoup d’objets, cette énergie n’est pas à omettre car elle représente une part significative du produit. C’est le cas d’un bien immobilier par exemple.
Démolition et recyclage
Tout a une fin. Il en va de même pour un objet. Il y a 2 moyens principaux à la fin de vie d’un produit : la démolition et le recyclage. La démolition peut se former de différentes manières. Soit on crée de nouveaux cimetières où l’on entasse les objets plus utiles comme les voitures ou les avions. Il ne s’agit pas d’une possibilité durable. En continuant de la sorte, la matière première récoltée dans notre précieuse Terre finira dans des tas de déchets à perte de vue. Soit on incinère ou pire encore, on exporte…
La méthode plus durable est le recyclage. Mais ce procédé n’est malheureusement non plus pas exempt de tout reproche. Bien évidemment, il est nettement favorable à la démolition ou à l’incinération mais le recyclage nécessite à nouveau beaucoup d’énergies et comme dit à chacune des phases précédentes, de machines aussi composées elles-mêmes d’énergie grise. Il ne faut pas s’en remettre au recyclage pour résoudre nos problèmes ; diminuer notre consommation sera plus efficace.
Les limites du calcul de l’énergie grise
Vous avez certainement compris, durant toute sa vie, un objet a besoin d’autres objets. Ceux-ci sont remplis d’énergie grise également. On comprend qu’Il devient donc extrêmement difficile voire même impossible de déterminer l’énergie grise exacte d’un objet. Cette vision est malheureusement souvent omise et les énergies grises que l’on nous présente ne peuvent de ce fait qu’être estimées à la baisse. Il est même impossible de trouver toutes les données nécessaires au calcul.
Certains domaines nécessitent un peu plus de questionnement. Les employés, par exemple utilisent de l’énergie pour aller sur le lieu de travail. Ils ont besoin de manger, de s’équiper, pour produire.
Mais encore, le traitement des déchets sauvages nécessite et nécessitera énormément d’énergies afin de nettoyer nos océans et les continents. Il s’agit de l’énergie consommée à la fin de vie de ces objets, cela rentre dans la définition de l’énergie grise.
Evidemment, ces données ne sont pas mesurables. De nos jours il est possible mais rare d’avoir des étiquettes explicatives de l’énergie grise d’un objet à vendre. Cependant aucune estimation n’arrive à la cheville de la vraie donnée. Une multitude d’énergies nécessaire indirectement est automatiquement mise de côté lors du calcul du fait qu’elle soit impossible à calculer. La prochaine fois que vous tomberez sur une étiquette de ce genre, réfléchissez bien.
Changer ses objets anciens, est-ce la solution ?
Prenons l’exemple de la voiture. Devons-nous vendre notre ancienne voiture peu performante pour investir dans une nouvelle plus écologique ? Là est toute la question. Personnellement, je ne pense pas que ce soit la meilleure des solutions. Vous avez compris que l’énergie pour créer un objet aussi complexe que la voiture est imposante. L’énergie grise n’en est pas la seule responsable.
Que se passe-t-il avec votre ancienne voiture ? Sera-t-elle exportée ? très certainement. Elle aura une deuxième vie sur le continent africain ou en Europe de l’Est. Certains pourront se dire : Super elle n’est pas jetée ! Tout le monde est gagnant. Cependant la réalité est tout autre. En effet, les voitures exportées évolueront dans des pays où les lois sur la protection de l’environnement sont peu présentes voire absentes ou non suivies. Ces véhicules pollueront beaucoup plus que dans nos pays. De plus, à leur “vraie” fin de vie, elles seront totalement absentes de la chaîne de recyclage.
Tenir avec son ancienne voiture le plus longtemps possible est sans conteste une meilleure option à mon avis. Il en va de même pour tous les autres objets.
Comment éviter l’énergie grise ?
La solution est simple : consommer moins ! En réduisant sa consommation, on réduit énormément l’énergie utilisée par l’industrie et en plus on fait beaucoup d’économies
Le Zéro Déchet est une méthode qui permet de diminuer fortement sa consommation. Pensez également aux produits de secondes mains. Il n’y a aucune déforestation, aucun impact chimique, aucune énergie grise à un prix très compétitif ! L’important est de prolonger la vie de nos objets : recoudre son habit, réparer le pied de sa table, réparer sa voiture, son vélo… C’est en diminuant et en prenant soin de nos objets que nous prendrons soin de nous.
La technologie propre n’existe pas. Il faut qu’elle ait pollué ailleurs pour être propre à un autre endroit. Le terme “0 émission” est impossible. Continuer à surconsommer c’est égal à détruire la vie sur Terre. Ce n’est pas une croissance capitaliste verte qui nous permettra de surmonter les défis de notre génération. Et si tout se résumait à partager plus et consommer moins ?
Référence :
Ici vous trouverez le lien de téléchargement des différents formats du rapport GIEC